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  • Les manufacturiers de produits résidentiels veulent être plus protégés par le gouvernement central

    « Il n’est pas dans l’ADN des dirigeants d’entreprises privées de demander l’intervention de l’État. Mais dans le cas de la lutte aux concurrences déloyales, la requête est formulée avec conviction, même avec une pointe d’inquiétude sentie. »

    L’affirmation de Richard Darveau, président-directeur général de Bien fait ici (BFI) réfère à une enquête que vient de mener l’organisme en juillet à laquelle ont répondu 65 dirigeants de fabricants de produits résidentiels au pays, qui adhèrent au programme BFI et ont en commun de croire encore au besoin de manufacturer localement plutôt que de dépendre de l’étranger.

    Comme on le sait, il existe sur le marché canadien des produits importés qui ne respectent pas nécessairement les codes de construction ou certaines normes nationales, notamment les standards édictés par l’Association canadienne de normalisation, mieux connue sous son abréviation anglophone CSA. Face à cela, 49 des 65 répondants à l’enquête demandent au gouvernement central de mieux protéger les manufacturiers établis au Canada et qui choisissent de respecter les normes de qualité en vigueur ici. Seulement une douzaine de répondants considèrent que l’action de surveillance actuelle est suffisante. Enfin, quatre répondants sont d’avis que le gouvernement devrait réduire son contrôle et ouvrir plus librement le marché.

    75 % des manufacturiers qui respectent les normes canadiennes
    souhaitent que le gouvernement les protège plus.

    Parmi les commentaires reçus, un répondant suggère que l’étiquetage non conforme devrait être dénoncé, en fait que tout produit dont les caractéristiques ne rencontrent pas les normes canadiennes devrait être clairement identifié.

    Un répondant dénonce la bureaucratie; l’effort semble considérable et décourageant quand une entreprise qui se croit lésée veut entreprendre des actions pour protéger ses droits…

    L’enjeu écologique et celui des conditions des travailleurs sont abordés dans la même veine, 50 des 65 répondants demandant au gouvernement du Canada de protéger, voire d’encourager les fabricants d’ici afin de mieux faire face aux produits importés qui sont nombreux à ne pas respecter les normes environnementales canadiennes ou à ne pas offrir des conditions décentes à leurs travailleurs.

    77 % des manufacturiers souhaitent que le gouvernement protège plus
    ceux qui respectent les normes du travail et environnementales.

    On note parmi les suggestions l’idée d’imposer un bilan carbone aux produits importés.

    Parmi les répondants minoritaires, cinq préféreraient que le contrôle gouvernemental sur ces deux aspects soit réduit afin de libérer encore plus les échanges. Les dix autres sont d’avis que le contrôle gouvernemental actuel suffit.

    Autre commentaire, un manufacturier extrapole en stipulant que normes élevées à respecter peut rimer avec coûts de production plus chers et prix de vente augmentés. Il se demande si les marchands et leurs bannières accepteront d’être solidaires des manufacturiers aux fins que la qualité et la durabilité trônent au bout du compte…

    L’idée la plus extrême face aux produits ne satisfaisant pas nos normes nationales de qualité, d’environnement ou de normes de travail s’exprime comme suit : pénaliser aussi l’acheteur, c’est-à-dire le marchand, son distributeur ou son groupement : s’ils étaient co-responsabilisés, ils y penseraient sans doute deux fois avant de commander un produit sous nos normes nationales. Cette piste n’est pas sans rappeler l’approche du pollueur-payeur.

    Souvent, les élus canadiens n’agissent pas parce que les accords de libre-échange et l’idéologie générale de l’ouverture des marchés iraient à l’encontre de la promotion de l’achat de matériaux canadiens auprès des consommateurs et des entreprises d’ici. Or, moins du tiers (31 %) des répondants à notre enquête partagent cette posture. La vaste majorité (69 %) considère que le gouvernement bénéficie d’une latitude pour agir, la preuve étant que les États-Unis commettent plusieurs gestes de discrimination positive à l’égard de leur production nationale quand il s’agit d’appuyer les ventes domestiques et non pas l’exportation.

    Seulement 4 manufacturiers sur 65 sont convaincus
    que le gouvernement du Canadane peut rien faire
    en raison des accords de libre-échange.

    Le questionnaire suggérait dix pistes d’action que BFI pourrait proposer au gouvernement du Canada. Pour des raisons sans doute culturelles, les 42 répondants francophones et les 23 répondants anglophones n’ont pas priorisé les mêmes idées.

    Les cinq suivantes ont retenu le plus l’intérêt des participants francophones à l’enquête :

    1. Exiger, comme aux États-Unis avec le « Buy America », que le financement de projets publics de construction soit assujetti à des seuils minimums de contenu en produits manufacturés en sol canadien (76 %)
    2. Adopter une loi établissant des critères économiques et écologiques visant à prioriser l’achat de matériaux de construction fabriqués au Canada dans les projets d’infrastructures publiques (71,5 %)
    3. Exiger que les approvisionnements publics d’une valeur inférieure à 250 000 $ soient réservés aux petites entreprises canadiennes si au moins deux d’entre elles peuvent satisfaire aux critères de l’appel d’offres (64 %)
    4. Instaurer un crédit d’impôt applicable à l’achat de produits accrédités « Bien fait ici » lors de projets de rénovation et de construction des Canadiens (62 %).
    5. Adopter un « Buy Canadian Act » copié-collé sur la mesure américaine par laquelle tout bien acheté par des organisations gouvernementales fédérales et dont la valeur est supérieure à 10 000 $ devrait avoir été fabriqué au pays à hauteur minimum de 51 % du coût de ses composants (57 %)

    Du côté anglophone, les cinq pistes d’actions suivantes semblent plus porteuses à leurs yeux :

    1. Adopter une loi établissant des critères économiques et écologiques visant à prioriser l’achat de matériaux de construction fabriqués au Canada dans les projets d’infrastructures publiques (74 %)
    2. Augmenter les ressources visant à mieux contrôler l’entrée au pays de produits satisfaisant nos normes de construction ou toute autre norme de santé ou de sécurité publique (61 %)
    3. Instaurer l’équivalent de la mesure « Made in America » par laquelle des incitatifs sont proposés aux manufacturiers pour relocaliser la fabrication de produits ou de composants actuellement sous-traités outre-mer (61 %)
    4. Exiger, comme aux États-Unis avec le « Buy America », que le financement de projets publics de construction soit assujetti à des seuils minimums de contenu en produits manufacturés en sol canadien (57 %)
    5. Instaurer un crédit d’impôt applicable à l’achat de produits accrédités « Bien fait ici » lors de projets de rénovation et de construction des Canadiens (48 %).

    Prochaines étapes

    Une lettre du président-directeur général de BFI amplifié de l’appui de plusieurs des patrons des entreprises répondantes est en gestation à destination de Justin Trudeau, premier ministre du Canada.

    Richard Darveau multipliera par la suite les représentations auprès des autorités gouvernementales et les médias afin de défendre les entrepreneurs qui croient à l’importance de protéger et de développer notre tissu manufacturier pour mieux faire face aux crises sociales, politiques et climatiques, mais également pour la richesse que les produits apportent à nos collectivités et à nos citoyens.

    Par ailleurs, le pdg a été invité à présenter ses positions lors d’un symposium sur l’avenir de la politique de la concurrence au Canada qui aura lieu à Ottawa au début de 2024.